Hyperactif Charlie Mveme
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© quotidienlejour.com - Jacques Bessala Manga
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L’ancien animateur de la radio, actuellement à la retraite, est retourné à ses anciennes amours. Il dirige désormais une société de production. En même temps qu’il a recommencé à jouer de la musique.Il prépare un nouvel album.
Date de publication: 10-03-2011 18:02:16
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Charlie Mveme aurait pu être un boxeur à succès. Son physique imposant s’y prêtait volontiers. Mais, le sort en a voulu autrement. La poliomyélite qui sévissait à l’époque de sa prime enfance l’en empêcha définitivement.
Quatre ans à peine, après que le jeune Charlie a goûté aux joies de la mobilité de son insouciance enfance, la vilaine maladie le marquera au fer rouge pour la vie. Il s’en sortira avec une paralysie de la jambe gauche. Il ne se déplacera plus qu’avec une béquille qui viendra remplacer cette jambe atrophiée à jamais. Le handicap qui frappa Charlie Mveme tracera résolument le sillage de la fibre artistique dont il continue de se prévaloir, aujourd’hui encore, pour le reste de son existence, certainement. Il a pris sa retraite de l’Office de radio et télévision du Cameroun, Crtv, en l’an 2008. Après trente années de radio.
1. La musique dans la peau |
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Introverti en apparence, un tantinet taciturne, Charlie Mveme qui passe désormais le plus clair de son temps dans son studio d’enregistrement à son domicile de Ngoa Ekellé, se dévoile pourtant d’une affabilité détonante lorsqu’on se rapproche. Un sentiment qui transparaissait déjà à l’époque, au contact de cette voie chaude, imposante, paternelle et presque rassurante qui s’échappait des transistors. Charlie a officié en tant qu’animateur de charme pendant trente années à la radiodiffusion camerounaise. A toute heure de la journée, quantité incroyable de musiciens, anonymes ou connus, défilent dans le petit studio d’enregistrement qui lui sert en même temps d’appartement. Certains pour enregistrer une chanson ou un spot, d’autres pour arranger un enregistrement réalisé ailleurs, ou simplement une émission pour la radio. Mais tous viennent pour requérir l’avis exercé de cette ancienne star du micro, accro de musique, et qui s’est reconverti dans la production. Charlie a la musique dans la peau. Il vit avec, depuis sa prime enfance, lorsque Tobbie Mbarga, un oncle aujourd’hui décédé, l’obligeait à tirer sur son accordéon, pour produire une musique souvent fausse, au rythme de laquelle les autres enfants dansaient. Le spectacle était puéril. Mais il avait contribué à attiser une future passion chez le jeune Charlie Mveme. Aujourd’hui, dans ce qu’il considère comme son plus précieux bien, le bric à broc de bidules, vieilles consoles, microphones, jacks, bonnettes, prises de courant et autres équipements électroniques disposés pêle-mêle sur des étagères et des tables basses, des affichettes qui tapissent le mur, de même qu’une guitare qui traîne négligemment dans un coin, trahissent l’activité qui se déroule en ce lieu. Charlie Mveme reste hyperactif, même à sa retraite méritée. |
2. Cours par correspondance |
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Charlie est arrivé à la radio presque par hasard. C’était en 1980. Tout se passa comme dans les contes de fées. L’adolescent s’était brouillé très tôt avec des études qu’il avait arrêtées en classe de quatrième à Bafoussam. Au grand désarroi de ses parents. Il avait dorénavant très peu de chances d’exercer ce métier « d’intellectuels » dont il s’était épris. « Je ne sentais plus aucun plaisir à aller à l’école, sans rien dire à personne, j’ai tout plaqué », se rappelle l’animateur radio. Dès 1972, alors que Charlie est pensionnaire en classe de quatrième dans un établissement scolaire de la ville de Bafoussam où son père travaille à l’Inspection fédérale de l’administration de l’Ouest, il va fonder, avec quelques amis, un orchestre. Les ducs de Bafoussam, au sein duquel Charlie jouait de la guitare bass, comptait parmi ses membres certains futurs grands noms de la musique camerounaise : Mbida Douglas, Joël Ekwabi, Ebeni Donald Wesley, Zito, etc. L’orchestre faisait alors fureur dans les bars dancing de la ville. On y jouait les airs populaires de l’époque : du Rolling stones, Jimmy Hendricks, etc. Un orchestre concurrent faisait aussi entendre parler de lui. Il comptait parmi ses membres un certain Toto Guillaume, Alhadji Touré, entre autres. La dualité entre les deux groupes annonçait la « guerre » que se livreront dix ans plus tard le makossa et le bikutsi. Pour les proches de Charlie, c’était incontestablement l’entrée en zone de turbulences. Mais, c’était sans connaître la détermination de ce dur à cuire. Handicapé moteur, Charlie Mveme s’était forgé un caractère de battant. Il avait entrepris de repousser les limites de l’impossible. Tel un prédateur, suivant son instinct de chasseur, le jeune Charlie va suivre sa voie, si particulière et si ambiguë. « Je ne pouvais pas jouer avec les autres enfants, du coup, mon seul vrai compagnon était la radio qui ne me quittait presque jamais », confesse-t-il. A longueur de journée, Charlie écoutait la radio camerounaise, mais aussi, les radios étrangères diffusées sur la fréquence ondes courtes. Il se prit d’une affection particulière de Radio Netherlands, dont il s’abreuvait des programmes. Charlie avait appris à grincer de la guitare entre-temps. C’est en écoutant la radio de ses plaisirs et de son refuge, qu’il prit connaissance d’un cours par correspondance, en radio justement. Avec le fruit des prestations qu’il avait commencées dans certains bars dancing de Bafoussam, où le paternel, Bernard Owona, officiait à l’Inspection en poste, il pouvait payer ses études. Informée de cette situation, sa grand-mère vint de Ngomedzap, pour tenter de « ramener son petit-fils à la raison ». Parce que son entourage considérait son choix comme une dérive. « On m’a dit que tu commandes des livres à la poste pour apprendre la magie », s’inquiéta la grand-mère. Malgré les menaces, malgré la bastonnade qu’il essuya, Charlie avait décidé pour lui-même. « Tu verras, je te ferai vivre ce que ces gens qui parlent à la radio font. Tu m’entendras moi aussi, sans me voir », se défendit-il, avec un flegme qui ne le quitte plus. Résignés autour du jeune homme, tous lui fichèrent la paix. Et il put poursuivre ses cours tranquillement. Jusqu’à l’obtention d’un certificat d’aptitude. Sans lâcher la musique de ses amours. Le manège durera jusqu’à la fin des années 70. La famille regagna Yaoundé, et Charlie dut se résigner à quitter ses amis de l’orchestre « Les ducs de Bafoussam ». |
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Lorsque Charlie Mveme revient à Yaoundé en 1975, il rencontre un certain Otsama. Daniel Ndo, de son patronyme, est alors un comédien à succès, un chanteur non sans panache. Mais surtout, il exerce en qualité d’enseignant de jeunesse et d’animation à l’Institut national de la Jeunesse et des sports à Yaoundé. L’Injs est située de l’autre côté de la route du domicile familial au quartier Ngoa Ekellé. Otsama approche Charlie Mveme dont il a fait la connaissance et dont il apprécie les qualités de musiciens. Il le sollicite pour les arrangements musicaux de « Otsama en ville », la comédie musicale qu’il monta à l’époque. Le succès sera fulgurant. Charlie ne s’enivra pourtant pas de ce succès qu’il savait précaire. il continuera de fréquenter le Ndengas boys de Yaoundé. Son nouveau groupe se produisait au Mango bar. Janet Ndiaye, Boni Mballa, Roger Sabal Lecco y fourbiront leurs premières armes de musiciens. Charlie était le soliste du groupe. Entre-temps, deux disques seront enregistrés. En 1973 et en 1974, « Korogo » et « Alu ane abe » sortent chez Sonodisc. De même que Charlie explore des frontières inédites. En 1978, Charlie Mveme est assistant réalisateur dans le film « Ribo ou le soleil sauvage de l’abbé Joseph Henri Nama. Et replonge dans l’univers de la radio qu’il avait presqu’oublié à la fin de ses études par correspondance en radio. Son entrée à la radio en 1980, à l’issue d’un recrutement sur test, où il rencontre certaines futures stars du micro et du petit écran au Cameroun, dont Anne Marthe Mvoto, Francine Ngo Bata, etc., marque la concrétisation d’un rêve.
Bien qu’il ait déjà participé à certaines émissions radiophoniques, le baptême de feu de Charlie va pourtant le marquer au fer rouge. « Christine Evouna animait une émission appelée A votre choix. Un jour, c’était un début de weekend, Samuel Balemba me fait appeler, pour la remplacer à l’antenne. J’avais la trouille. Mais c’était à quitte ou double. La peur au ventre, j’ai plongé, j’ai présenté le programme, alors que je venais d’être recruté comme technicien. Simplement, tout naturellement. Comme un vrai professionnel. L’expérience était plutôt concluante. Elle marquera le début d’une carrière de trente ans qui s’est terminée en 2010. Laissant derrière elle un passif plutôt éloquent : une douzaine d’émissions crée à la radio. Des participations à des productions audiovisuelles, notamment, les effets sonores dans « Dieu devant la barre » et « Veillées de contes », une série télévisée diffusée sur la Cameroon radio and television, Crtv. Mais, tout cela n’est plus qu’un passé que Charlie Mveme s’emploie à prolonger, même à sa retraite. Certes, il partage désormais son expérience de la radio au Centre de formation professionnelle de la Crtv à Ekounou. Mais davantage, il a redonné vie à son studio de production « laissé à l’abandon ». |
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Mon patronyme : Tharciscius Gérémie Mveme Mangola Profession : auteur compositeur, dramaturge, musicien, conteur, régisseur d’antenne, réalisateur, ingénieur de son Le 16 septembre 1963 : le jour où je suis né à Yaoundé 1968 : l’année où j’obtiens mon Cepe 1973 : j’obtiens mon Bepc – sortie de mon premier disque (Korogo) 1974 : sortie de mon deuxième disque (Alu ane abe) 1980 : je suis recruté à radio Centre comme animateur producteur 1995 : je suis promu comme responsable de la programmation à Radio Centre 2010 : ma mise officielle à la retraite après 30 années de bons et loyaux services à la Crtv. |
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Une haute idée du métier d’animateur Lorsque l’ai décidé d’apprendre la radio, j’avais une seule chose en tête. Parler aussi bien que ceux j’entendais. J’ai bravé tous les obstacles qui auraient pu m’empêcher de réaliser mes rêves d’enfance. J’y suis parvenu. Et je suis fier de ce que j’ai fait. L’amour que j’éprouvais pour mon travail était plus fort que le reste. La rivalité professionnelle s’exprimait par la recherche de la perfection. Ma génération aimait passionnément son travail. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Les jeunes qui arrivent dans le métier sont pressés. Ils n’apprennent pas d’abord à l’ombre des aînés. La technique, au lieu de faciliter le métier, comme elle l’aurait pu, a plutôt contribué à rendre paresseux. La radio, c’était d’abord une belle voix. J’ai toujours fait l’effort de ne pas abimer la mienne. C’est pourquoi je ne bois d’alcool, ni ne fume. Malgré le fait que j’ai souvent fréquenté des gens qui aiment la luxure.
J’ai connu beaucoup de joies durant ma carrière, au point où la retraite ne m’a pas effrayé le moins du monde. J’y suis allé, presqu’en courant. Parce que je savais que j’allais retrouver un environnement de travail aussi intense que celui de la radio. Et pour tout dire, je ne m’ennuie pas. J’ai quelques contrats en tant que producteur indépendant avec des radios, des administrations en même temps que j’enseigne à des jeunes les ficelles du métier. Lorsque je vois comment les animateurs sont célébrés ailleurs, j’invite les gens de chez nous à avoir un peu de considération pour ce métier. Regardez Oprah Winfrey aux Etats-Unis, Drucker en France, je me dis qu’il y a moyen d’être animateur au Cameroun et être célébré. Tout est question de mentalité. L’animation c’est une activité noble, qui mérite d’être considérée à juste titre comme indispensable au média. L’animateur n’est pas le dernier de la classe. |
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Exigeant et paternaliste : Médard Serge Ndengué, technicien audiovisuel La première fois que j’ai rencontré Charlie Mveme, c’est lors d’un stage que j’effectuais à Radio Jeunesse. J’avais le malheur d’assurer la technique de l’émission qu’il présentait. C’était un supplice. Moi, j’apprenais, alors que lui, il savait déjà ce qu’il faut faire pour bien réaliser un programme radio. Avant d’entrer en studio, il faisait tout, ou presque, à ma place. Sans véhémence, mais avec une autorité qui inspirait plus le respect que la crainte. A ses côtés, on avait l’impression de ne plus servir à rien. Son exigence n’avait pas son pareil. Mais avec un ton paternel, il savait blâmer sans humilier. Et du coup, on se sentait rassuré et plus fort à ses côtés. Je lui dois tout ce que je suis professionnellement. J’ai eu un immense privilège d’apprendre aux côtés de cet aîné attentionné et exigeant. |
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