Les 6 révolutions du pape François |
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En un an, François a engagé la plus formidable réforme que l’Église catholique ait connue depuis Vatican II, menant de front plusieurs dossiers difficiles, de la pastorale jusqu’aux finances, en passant par la collégialité, véritable « serpent de mer » du catholicisme.
Le primat de la miséricorde
François ne cesse d’insister sur la priorité de la miséricorde. Dans son entretien aux revues jésuites de l’automne 2013, il affirme que « la chose dont l’Église a le plus besoin aujourd’hui, c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Nous devons soigner les blessures. » Dans l’avion qui le ramène des JMJ de Rio, questionné au sujet de l’homosexualité, il a cette repartie qui fera date : « Qui suis-je pour juger ? » Cette priorité de la miséricorde doit, selon François, être incarnée par les prêtres à travers une proximité exceptionnelle – ils doivent prendre « l’odeur de leur brebis »–, et implique donc une rupture avec le cléricalisme et la rigidité doctrinale.
Pour réaliser cette révolution, le pape a décidé une mise à plat universelle de la pastorale des personnes qui n’entrent pas dans les clous (couples non mariés, personnes homosexuelles, divorcés remariés), lors d’un synode romain sur la famille, qui se déroulera en deux sessions, dont la première aura lieu en octobre. Le dossier des divorcés remariés a fait l’objet de la quasi-totalité des interventions des cardinaux réunis autour du pape avant sa première création de cardinaux, le 22 février dernier. Mais on sait aussi que la position d’ouverture défendue par le cardinal allemand Walter Kasper (permettre l’accès aux sacrements après un audit pénitentiel) n’a pas fait l’unanimité. L’Église catholique est donc officiellement entrée dans une phase de turbulences, et le pape a solennellement demandé à tous les fidèles de prier. Une façon à peine voilée de les exhorter à ne pas se déchirer.
La collégialité à l’honneur
En tant qu’archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio a eu à souffrir de l’hypercentralisation romaine, voire des abus de pouvoir de l’administration vaticane. L’une de ses décisions majeures a été de renouveler la direction du synode romain, dont l’institution s’était sclérosée au fil des ans, pour en faire un vrai outil d’échanges et de dialogue entre les évêques du monde entier, capable de se saisir des sujets qui fâchent. Il a confié cette direction au cardinal Lorenzo Baldisseri, nouveau poids lourd du Vatican. Signe que les temps changent : le synode sur la famille a été précédé d’une grande opération de remontée d’informations, sans précédent dans l’histoire récente. D’ordinaire, seules les conférences épiscopales sont consultées, alors que, cette fois, les catholiques de la base ont été sollicités, et se sont largement mobilisés. Pour le pape, la subsidiarité doit exister vraiment, de sorte que l’on n’attende pas tout de Rome.
À l’avenir, le processus de décentralisation devrait aboutir à ce que les conférences épiscopales jouissent d’une véritable autorité en matière de doctrine. La création de conférences régionales et continentales n’est pas exclue. On s’acheminerait alors vers un modèle où il faudrait cependant gérer des divergences plus ou moins grandes entre les Églises locales, pouvant aboutir à des divisions comme cela s’est produit dans la communion anglicane. Exemple emblématique de son souci de collégialité, François a créé, un mois après son élection, un G8 des cardinaux, récemment rebaptisé « C8 » par son pilote en chef, le cardinal Óscar Rodríguez Maradiaga, et dont les membres représentent tous les continents. Ce C8 dispose d’un large champ de compétences, depuis la réforme de la curie jusqu’à la pastorale des divorcés remariés.
Derrière cette question de la collégialité s’exprime la volonté d’une revanche du catholicisme du Sud contre un modèle trop eurocentré. Le pontificat de Benoît XVI fut axé sur des « problèmes » européens : la guérison (ratée) du schisme intégriste, – qui concernait surtout la France – et la place d’un catholicisme minoritaire dans une société ultrasécularisée. François, lui, raisonne à partir d’un univers qui n’est pas encore marqué par la postmodernité. En Argentine, la dévotion populaire fait partie de la culture commune et l’avortement est toujours hors la loi.
La réforme de la gouvernance
Pendant la période qui a précédé le conclave, le leitmotiv était la réforme de la curie romaine, dont le scandale du Vatileaks, parmi d’autres, a révélé des dysfonctionnements graves. François a donc été élu pour faire le ménage. Et il est passé rapidement à l’acte en nommant un groupe de cardinaux (le C8 évoqué ci-dessus) pour définir de nouvelles règles du jeu, qui devraient être connues d’ici à l’été. On connaît déjà les principes qui président à ce grand nettoyage. Primo, enlever à la Secrétairerie d’État le pouvoir qu’elle s’était arrogé sous le règne de Tarcisio Bertone, au détriment des dicastères (les ministères du pape). Le secrétaire d’État ne sera plus, comme sous Benoît XVI, « un vice-roi », a prévenu le cardinal Óscar Maradiaga, mais devra se recentrer sur sa mission diplomatique. Par chance, c’est le point fort du nouveau tenant du poste, le cardinal Pietro Parolin, 59 ans, diplomate de carrière. Signe fort et parlant : le pape a nommé un « secrétaire » chargé des finances, qui lui répondra directement. François souhaite donc multiplier les « bras droits » pour mieux équilibrer les pouvoirs entre les uns et les autres.
Secundo, l’objectif est de favoriser plus de fluidité et d’échanges entre les différents organismes, qui ont trop longtemps fonctionné en baronnies jalousement cloisonnées. Tertio, il faut aussi moderniser et rationaliser les services. Des regroupements de conseils pontificaux sont à l’étude pour économiser les charges. Selon les cardinaux Óscar Maradiaga et Walter Kasper, il n’est pas exclu que des laïcs, dont des femmes, puissent être investis de véritables responsabilités de direction. Ce qui serait une première.
Cette nouvelle donne s’accompagne d’un style de gouvernement assez personnel de la part de François. Le pape n’a pas de « cabinet » officiel, mais il s’est constitué un réseau parallèle de conseillers, court-circuitant les rouages de la curie, et multipliant les contacts informels depuis le lieu relativement ouvert qu’est la maison Sainte-Marthe. Non sans autoritarisme, François a réussi à imposer qu’il est un homme libre, que personne ne peut manipuler.
L’urgente mutation culturelle
En marge de ces évolutions structurelles, François tente de casser les logiques de pouvoir qui ont prévalu trop longtemps au Vatican, marqué par la réalité italienne. Il s’agit de faire en sorte que les 225 évêques de la Péninsule (deux fois plus nombreux qu’en France pour un territoire deux fois plus petit !) cessent de considérer le Vatican comme le terrain de jeu de leurs ambitions personnelles.
Sans le Vatican comme soupape ou béquille, l’épiscopat italien est plus fragile, mais sera plus adulte à terme. Le pape souhaite aussi rompre avec une promotion interne fondée sur le renvoi d’ascenseur et le népotisme plutôt que sur les compétences techniques. Contrairement à la culture traditionnelle du Vatican, il a osé rétrograder quelques collaborateurs – dont un cardinal – pour signifier que l’impunité n’aura plus cours sous son règne. Il veut inculquer une culture du service inspirée de la vie religieuse selon laquelle on exerce de hautes responsabilités pour un temps limité.
La purification administrative et financière
Déjà initié par Benoît XVI, l’assainissement des finances du Vatican est un chantier de longue haleine, qui se déploie sur un fond d’opacité très réel, notamment si l’on considère la banque du Saint-Siège, l’IOR, depuis des années dans le collimateur. Ses comptes sont désormais passés au peigne fin, mais son sort définitif n’est pas encore arrêté. Après avoir lancé, en juillet, un audit approfondi des structures administratives, le pape a décrété tout récemment la naissance d’un secrétariat de l’économie, qui va rationaliser les finances du Vatican, poste stratégique qu’il a confié àl’archevêque de Sydney, George Pell. Celui-ci devra limiter le gaspillage, garantir la transparence et moderniser une structure aux rouages obsolètes, notamment en établissant un budget annuel et des outils de gestion semblables à ceux des entreprises.
George Pell dépendra directement du pape, alors que, jusqu’à présent, les finances dépendaient du secrétaire d’État, et il aura la main sur toutes les structures brassant finances : l’IOR bien sûr, mais aussi la fameuse Apsa (l’administration du patrimoine du siège apostolique) – vouée à devenir une sorte de banque centrale. Par ailleurs, le cardinal australien pourra mettre son nez dans les dossiers de la très puissante Congrégation pour l’évangélisation des peuples, véritable État dans l’État, et dont la réputation en matière de transparence financière est calamiteuse. En appui, le pape a prévu de constituer un conseil pour l’économie, ou cardinaux et laïcs experts siégeront à parité, et un service d’audit pour les dicastères.
Retour dans la géopolitique internationale
François souhaite que l’Église catholique pèse à nouveau dans le concert des nations comme une force de paix et une voix prophétique. Il a confié ce défi à son nouveau secrétaire d’État, Pietro Parolin, diplomate aguerri. Et il a multiplié les paroles et les gestes. Son cri d’alarme dénonçant la « mondialisation de l’indifférence » à Lampedusa, peu après le naufrage de migrants, restera un jalon essentiel. Quelques semaines plus tard, il invite tous les hommes de bonne volonté à prier pour la Syrie plongée dans le chaos.
À cause de la popularité exceptionnelle dont jouit le saint-père à travers le globe, les hommes et les femmes politiques recherchent son contact, ce qui est le meilleur signe que le Vatican s’est remis en selle d’un point de vue géopolitique. Il a inscrit à son agenda 2014 un voyage en Terre sainte, où il tentera de faire avancer la paix entre Israéliens et Palestiniens, mais se rendra aussi en Corée du Sud.
source: lavie.fr - par Jean Mercier
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