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Ahmadou Ahidjo: Mémoire confisquée, famille éclatée
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© Edouard Kingue | Le Messager
Cimetière de Dakar Yoff. Un rectangle nappé de sable gris. Une stèle. Dessous, le corps d’Ahmadou Babatoura Ahidjo. Il est assurément un caillou dans la conscience des Camerounais qui, du Mpodol Um Nyobe à Ernest Ouandié en passant par Félix Moumié et les autres, ont mal aux morts de la République, et se désolent de leur mémoire confisquée.
Date de publication: 04-12-2013 13:56:18
Loin de là, très loin de Dakar, à quatre heures de vol, voici Yaoundé. La ville aux sept collines bouffie de rancune, qui redoute des fantômes jugés subversifs, susceptibles de déteindre sur l’orgueil des Hommes. Ailleurs, la mort réconcilie tout le monde. Le Congo de Joseph Kabila vient en effet de décider le rapatriement des dépouilles de l’ancien président Joseph Mobutu et de Moïse Tshombe, l’instigateur de la sécession du Katanga à l’indépendance du pays en 1960. Bien au contraire…ici, on débauche les maillons faibles de la famille éplorée et on se congratule du triomphe de l’argent sur la morale politique. C’est l’histoire d’un psychodrame. Dame Moumié réduite au silence durant les années de braise, violée et tuée plus tard par des inconnus. Une des filles d’Ernest Ouandié ‘suicidée’ dans les eaux glauques du Noun, qui vivait son mal-être à Bafoussam, non loin de la sépulture de son père.
L’impossible retour au pays natal de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun indépendant est devenu un point de fixation majeur pour tous les morts de nos mémoires accommodantes. Pourquoi tant d’années n’ont-elles pu panser les plaies ? On se perd en conjectures. Des voix qui portent ont évoqué sans succès le cas de la dépouille Ahidjo. Feu le président Samuel Eboua s’était confié dans un livre (Une décennie avec le président Ahidjo, aux éditions L’Harmattan) : « Rien n’est fait pour que le peuple se souvienne de celui qui a assumé son destin pendant plus de deux décennies. L’ingratitude, tel l’œil de Caïn, doit-elle poursuivre l’individu jusque dans le silence et les ténèbres du tombeau ?» Dans ‘En ces temps là…’ (Riveneuve Éditions, 2013). Émile Derlin Zinsou, ancien président du Dahomey (l’actuel Bénin) écrit : «j’ai plusieurs fois parlé du problème du transfert du corps d’Ahidjo pour qu’il puisse reposer dans son pays et dans sa ville, Garoua». Qu’est-ce qui retient le pouvoir d’un geste attendu par la majorité des Camerounais, qui ne pourrait être qu’à son honneur, qu’à son bénéfice ? « Ce serait si beau que ce soit Biya qui enterre Ahidjo dans leur commun Cameroun !» Certains observateurs pensent que les raisons de cette inaction tiennent à la complexité du fonctionnement du système camerounais. Aujourd’hui disparu un à un, les « durs » du régime, dont l’influent Andze Tsoungui n’ont jamais voulu entendre parler de rapatriement du père de la nation. Mais les temps ont changé et la situation évolue. L’avocate Alice Nkom jamais en retard d’une initiative a envisagé un temps de créer une fondation Ahidjo. Aboubakar Ousmane Mey, frère de l’actuel ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, a lancé une association, ‘Justice Plus’, destinée à favoriser le rapatriement de l’ancien chef de l’État. Aboubakar Ousmane Mey, veut organiser une conférence sur le sujet à Garoua. Il a obtenu le soutien de quelques personnalités d’envergure. Le projet prospérera-t-il alors que de mystérieuses défections sont enregistrées? Dans ce pays où l’initiative des questions à caractère national revient aux pouvoirs publics, la démarche des particuliers, l’opinion publique autant que les morts de notre conscience collective sont considérées comme suspectes et susceptibles de troubler l’ordre public. Ahidjo, comme Um, comme Ouandié, comme Ossende Afana, soldats inconnus de l’indépendance devront encore attendre…le calendrier officiel qui fixera leurs obsèques officielles un de ces jours…
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