La musique camerounaise affiche sa grande richesse avec la modernité, qui a facilité la production des œuvres. Des quatre coins du pays, chaque culture communique ses espoirs et ses espérances à travers les différents arts, qui ne se limitent plus à sept, selon l’ancienne conception. La musique étant le plus pratiqué, le plus consommé. Et la langue est choisie selon que l’on veut promouvoir la musique du terroir ou qu’on veut conquérir l’espace national et international. Les textes étant à l’appréciation de l’inspiration. Le Bikutsi et le Makossa étant considérés au Cameroun, depuis plusieurs décennies, comme étant les rythmes les plus en vue, une incursion peut servir de laboratoire, afin d’examiner les textes et les langues utilisés dans la musique camerounaise.
Ainsi, le Bikutsi , premier cas de vérification , doit sa popularité au groupe « Les Têtes Brulées » créé par le journaliste et artiste Jean Marie Ahanda au milieu de la décennie 1980 . Epeme Théodore alias Zanzibar, guitariste hors pair, chanteur apprécié et son compère Atebass, bassiste de renom, vont sortir ce rythme du bois, des réunions des femmes Beti ou des marigots ou ces femmes exprimaient leurs frustrations, déceptions et même railleries conjugales. Ils vont emprunter la voie que Nkodo Si Tony, virtuose de la guitare, avait commencé à creuser, un an à l’avance, en 1988 avec l’album à succès « Metil wa ». Il est important de rappeler que la musique faite par le peuple Beti bien avant était le Merengue, de la Rumba et parfois du Makossa en langue Ewondo. L’on peut citer Elanga Maurice, ancien soldat des forces armées camerounaises, Ange Ebogo Emeran, Esso Esso Essomba influencé par son parrain Ekambi Brillant , Aloi Javis et les idoles avec comme base Nanga Eboko. Les rares artistes à s’essayer dans ce rythme considéré comme folklrique était Messi Martin. Tous ont pour point commun, la langue Beti sous ses différentes consonances que sont l’Ewondo , le Bulu , le Ntumu , l’Eton , le Bamvele, le Maka , etc. L’intérêt du choix de la langue revêt une importance dès que la question des textes est évoquée. Car ceux des artistes, qui ont décidé de chanter en français pourraient être accusés de haute trahison, pour avoir permis, d’abord aux non-initiés puis aux autres cultures de déchiffrer leurs codes. Si tant est que la musique, c’est la mélodie que les textes. Ainsi le commun des mortels qui a écouté Abanda Kiss Kiss au début des années 80 ne saura jamais, que la chanson qui lui permet d’éclore est une chanson quasi pornographique. Mais personne ne loupera K. Tino lorsqu’elle sort son premier album en 1991 Intitulé « Ascenseur ». La pépite de Catherine Edoa, de son vrai nom sera censurée. Paradoxalement, le succès lui colle à la peau. Elle garde la ligne avec d’autres albums plus osés .Elle parle du chat et de chatte, par exemple. Ses jeunes confrères imitent le « bon exemple ». Le Bikutsi est mis au banc des accusés. Il est accusé de véhiculer des textes qui ne parlent que des choses en dessous de la ceinture. Ange Ebogo Eméran nous confiera même un jour qu’il est déçu par certains artistes qu’il a formés. Non pas parce qu’ils chantent faux. Ils sont même de très bons chanteurs. Mais leurs textes sont en marge de la morale. Il citera ainsi au passage K . et Tanus Foe. Le public est allé jusqu’à penser que les artistes étaient en panne d’inspiration. Comment penser le contraire, si l’on doit entendre Racine Sagath chanter « Ton caleçon fait quoi chez moi » ? Pourtant, certains de ces chanteurs en français deviendront un peu plus subtils. Le sexe, matière de base du Bikutsi dans son originalité trouvera des mots enrichis en métaphores. Lady ponce parle de « Mon Yesus » (l’enfant de Jésus qui ne veut pas se lever).Mais le Bikutsi n’est pas que le sexe. D’ailleurs, pour le savoir, certains artistes, pour avoir aussi choisi de chanter en langue officielle, permettent de comprendre que cette musique s’illustre comme un tribune des problèmes sociaux , parfois l’évocation des drames humains . La génération actuelle dispose ainsi de deux artistes, qui ont été reconnus par leurs pairs comme étant les meilleurs, chacun pendant un ou deux ans : Amat Pierrot et Aie Jo Mamadou . Tous deux posent les problèmes de tous les jours. Le Général Ama Pierrot a même décrété la mort de la jalousie. Aie Jo Mamadou prône la paix. Sans que cela ne soit du Bikutsi originel, Ange Ebogo Emeran battait déjà campagne pour le planning familial. Un pont idéal pour accéder au Makossa . Ce Makossa qui ne s’écoute plus ou ne se danse plus seulement. Mais, un rythme qui peut aussi intéresser par ses textes, parfois révolutionnaires. Et Ndedi Eyango va s’illustrer comme l’un des chanteurs les plus prolixes dans ce sens. Il a choisi de sortir le Makossa de sa langue Duala pour le rendre accessible à tous. En ce qui concerne les textes bien sur. Tous les camerounais peuvent lui reconnaitre la paternité de la lutte contre la corruption, le tribalisme, le népotisme ; bref, tous les mauvais « isme »grâce à la chanson « Patou ». Il ne s’est pas éloigné de cette mission, même en tant que producteur. Puisque c’est lui qui sort du buisson Longue Longue, dont les textes sont aussi profonds que ceux d’Eboa Lottin, aussi accessibles que ceux de Johnny Halliday. Les deux meilleurs artistes camerounais de l’année 2012, selon la chaine de télévision Canal2 ont un point commun : le succès. Et pourtant, l’un en l’occurrence Prince Ndedi Eyango chante en français (aussi). Et l’autre, Charlotte Dipanda, chante exclusivement en Duala et en bakaka, sa langue maternelle du Moungo. Si leurs textes sont aussi profonds que ceux de Longue Longue , sans prétendre que ceux qui chantent entièrement en Ewondo ou en Duala ne disent rien parce que que l’on ne comprend pas l’une ou l’autre langue , il est quand même constant de relever que certains artistes , quelle que soit la langue usitée, ne disent rien. Ou alors disposent des textes pauvres. Est-ce le cas de la chanson « coller la petite » du désormais célèbre Franko ? Petit Pays , lorsqu’il chante « Nyoksé » , allie les deux défauts : texte pauvre, message déviant . D’ailleurs il est présenté comme le précurseur de l’art de faire de « l’Atalakou » (dédicace pour parler simplement) des personnes connues ou anonymes. Il y en a parmi eux qui citent de bout en bout les noms, sans véritable texte. Le troisième tableau, qui peut trouver une place dans ce travail est celui des musiques urbaines que les puristes appellent la world music. Attendus sur le terrain des langues dites officielles, certains artistes réussissent l’exploit d’introduire nos langues nationales. Lorsqu’on écoute X-Maleya , les rappeurs Budor, Krotal, Koppo les Macase , etc. Ils injectent dans ces musiques des jeunes leurs langues maternelles pour réaliser ce que certains d’entre eux appellent aujourd’hui le Roots ou African Groove. Mais le français et l’anglais n’occupent pas toujours une place d’honneur dans leurs chansons. L’on y retrouve dans leur langue : le Pidgin. En fait de Pidgin il s’agit du « Francamglais » pour les francophones (qu’adore Koppo) et d’un mélange d’anglais et de dialecte pour les autres. Le premier étant Lapiro de Mbanga. Une langue révolutionnaire, qui s’harmonise avec les textes eux-mêmes, qui sont révolutionnaires. Une sorte de remise en cause des systèmes politiques, économiques et culturels. Le rappeur Valsero, souvent présenté comme très violent et qui chante entièrement en français, peut alors servir de prototype d’artiste aux textes profonds et à la langue accessible à tous.
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Mutations - Par Jean Pascal Eyebe Mpesse
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